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Le duc.

Le roi l’aime.Le roi… ferait mieux de régner.

La duchesse.

On joue aussi, monsieur, quelquefois chez la reine.

Le duc.

Jouez donc. Mais, morbleu ! ce n’est guère la peine
D’avoir un nom, du bien, de l’esprit et vingt ans,
Et ce visage-là, pour perdre ainsi son temps.
Vraiment la patience en devient malaisée.
Pourquoi donc, s’il vous plaît, vous avoir épousée ?
Pourquoi donc êtes-vous jeune et faite à ravir ?
À quoi bon tout cela, pour ne pas s’en servir ?
Que faites-vous d’avoir cent mille écus de rente,
Et, comme Trissotin, un carrosse amarante,
Et quatre grands chevaux qui se meurent d’ennui,
Pour vivre hier, demain, toujours, comme aujourd’hui ?
À quoi bon, dites-moi, cette taille élégante,
Cet air et ce regard ?… car vous seriez charmante !
Je suis votre mari, mais, quand c’est arrivé,
J’avais sur votre compte étrangement rêvé ;
Oui, ne vous en déplaise, et je vous le confesse.
Le feu roi dans sa cour montrait bien sa maîtresse,
Et de ses courtisans un murmure flatteur
Parfois, n’en doutez pas, lui fit plaisir au cœur.
Moi, duc, et votre époux, n’ai-je donc pu me croire,
En vous montrant aussi, le droit d’en tirer gloire ?
Quand de m’appartenir vous m’avez fait l’honneur,
Ne puis-je donc avoir l’orgueil de mon bonheur ?