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Penses-tu que je trompe, et m’en crois-tu capable ?
Il lit.

« Vous me dites que vous m’aimez, mais cela est bien difficile à croire, car, pour aimer une personne, il faut, j’imagine, commencer par la connaître, et toute servante que je suis… »


Servante ! que dis-tu ? Fi donc ! tu ne l’es point.
Servante ! ce mot-là me choque au dernier point.
Il lit.

« Toute servante que je suis, vous me connaissez assurément bien peu si vous me croyez intéressée, et si vous avez pensé, monseigneur, qu’on pouvait payer un amour qui refuse de se donner. »


Qu’est-ce à dire, payer ? Moi, te payer, ma belle ?
Quoi ! pour un simple anneau, pour une bagatelle,
Pour un hochet d’enfant qui plaît à voir briller,
Tu me crois assez sot pour vouloir te payer ?
Si tel était mon but, si j’osais l’entreprendre,
Si l’amour de Lisette était jamais à vendre,
Pour payer dignement de semblables appas,
Mes biens y passeraient et n’y suffiraient pas.
Est-ce donc une offense à la personne aimée,
Et s’en doit-elle au fond croire moins estimée,
Si l’on veut la parer, sans pouvoir l’embellir,
D’un pauvre diamant que ses yeux font pâlir ?
Comment ! mettre une bague aux plus beaux doigts du monde,
Il lui remet la bague au doigt.