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place, que vous ne croyiez à mes paroles. Si vous repoussez mon amour, du moins n’en douterez-vous pas.

Jacqueline.

Est-ce une entreprise que vous faites ?

Fortunio.

Une entreprise pleine de crainte, pleine de misère et d’espérance. Je ne sais si je vis ou si je meurs ; comment j’ai osé vous parler, je n’en sais rien. Ma raison est perdue ; j’aime, je souffre ; il faut que vous le sachiez, que vous le voyiez, que vous me plaigniez.

Jacqueline.

Ne va-t-il pas rester là une heure, ce méchant enfant obstiné ?] Allons ! levez-vous, je le veux.

Fortunio, se levant.

Vous croyez donc à mon amour ?

Jacqueline.

Non, je n’y crois pas ; cela m’arrange de n’y pas croire.

Fortunio.

C’est impossible ! vous n’en pouvez douter.

[Jacqueline.

Bah ! on ne se prend pas si vite à trois mots de galanterie.

Fortunio.

De grâce ! jetez les yeux sur moi. Qui m’aurait appris à tromper ? Je suis un enfant né d’hier, et je n’ai jamais aimé personne, si ce n’est vous qui l’ignoriez.]