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Clavaroche.

Une chanson d’amour surtout, n’est-il pas vrai, monsieur Fortunio ? Pas autre chose, je vous en conjure. Madame, priez-le, s’il vous plaît, qu’il nous chante une chanson d’amour. On ne saurait vivre sans cela.

Jacqueline.

Je vous en prie, Fortunio.

Fortunio, chante.

Si vous croyez que je vais dire
Qui j’ose aimer,
Je ne saurais pour un empire
Vous la nommer.

Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l’adore, et qu’elle est blonde
Comme les blés.

Je fais ce que sa fantaisie
Veut m’ordonner,
Et je puis, s’il lui faut ma vie,
La lui donner.

Du mal qu’une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J’en porte l’âme déchirée
Jusqu’à mourir.

Mais j’aime trop pour que je die
Qui j’ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie,
Sans la nommer.