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Clavaroche.

Vous êtes une femme incomparable, et on n’a pas plus d’esprit que vous. Vous avez fait venir, n’est-ce pas, le bon jeune homme à votre boudoir ? Je le vois d’ici, les mains jointes, tournant son chapeau dans ses doigts. Mais quel conte lui avez-vous fait pour réussir en si peu de temps ?

Jacqueline.

Le premier venu ; je n’en sais rien.

Clavaroche.

Voyez un peu ce que c’est que de nous, et quels pauvres diables nous sommes quand il vous plaît de nous endiabler ! Et votre mari, comment voit-il la chose ? La foudre qui nous menaçait sent-elle déjà l’aiguille aimantée ? commence-t-elle à se détourner ?

Jacqueline.

Oui.

Clavaroche.

Parbleu ! nous nous divertirons, et je me fais une vraie fête d’examiner cette comédie, d’en observer les ressorts et les gestes, et d’y jouer moi-même mon rôle. Et l’humble esclave, je vous prie, depuis que je vous ai quittée, est-il déjà amoureux de vous ? Je parierais que je l’ai rencontré comme je montais : un visage affairé et une encolure à cela. Est-il déjà installé dans sa charge ? s’acquitte-t-il des soins indispensables avec quelque facilité ? porte-t-il déjà vos couleurs ? met-il l’écran devant le feu ? a-t-il hasardé quelques mots