Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le Cardinal.

Il n’y a rien de si vertueux que l’oreille d’une femme dépravée. Feignez ou non de me comprendre, mais souvenez-vous que mon frère est votre mari.

La Marquise.

Quel intérêt vous avez à me torturer ainsi, voilà ce que je ne puis comprendre que vaguement. Vous me faites horreur : que voulez-vous de moi ?

Le Cardinal.

Il y a des secrets qu’une femme ne doit pas savoir, mais qu’elle peut faire prospérer en en sachant les éléments.

La Marquise.

Quel fil mystérieux de vos sombres pensées voudriez-vous me faire tenir ? Si vos désirs sont aussi effrayants que vos menaces, parlez ; montrez-moi du moins le cheveu qui suspend l’épée sur ma tête.

Le Cardinal.

Je ne puis parler qu’en termes couverts, par la raison que je ne suis pas sûr de vous. Qu’il vous suffise de savoir que, si vous eussiez été une autre femme, vous seriez une reine à l’heure qu’il est. Puisque vous m’appelez l’ombre de César, vous auriez vu qu’elle est assez grande pour intercepter le soleil de Florence. Savez-vous où peut conduire un sourire féminin ? Savez-vous où vont les fortunes dont les racines poussent dans les alcôves ? Alexandre est fils d’un pape, apprenez-le ; et