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Un autre.

Quelle horreur ! je me sens prêt à m’évanouir dans cette salle.

Il sort.
Philippe.

Ne me faites pas violence ; ne m’enfermez pas dans une chambre où est le cadavre de ma fille ; laissez-moi m’en aller.

Un convive.

Venge-toi, Philippe, laisse-nous te venger. Que ta Louise soit notre Lucrèce ! Nous ferons boire à Alexandre le reste de son verre.

Un autre.

La nouvelle Lucrèce ! Nous allons jurer sur son corps de mourir pour la liberté ! Rentre chez toi, Philippe, pense à ton pays. Ne rétracte pas tes paroles.

Philippe.

Liberté, vengeance, voyez-vous, tout cela est beau ; j’ai deux fils en prison, et voilà ma fille morte. Si je reste ici, tout va mourir autour de moi. L’important, c’est que je m’en aille, et que vous vous teniez tranquilles. Quand ma porte et mes fenêtres seront fermées, on ne pensera plus aux Strozzi. Si elles restent ouvertes, je m’en vais vous voir tomber tous les uns après les autres. Je suis vieux, voyez-vous, il est temps que je ferme ma boutique. Adieu, mes amis, restez tranquilles ; si je n’y suis plus, on ne vous fera rien. Je m’en vais de ce pas à Venise.