Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ma belle Florence, et ses enfants sont mes enfants… Ah ! sais-tu ce que c’est qu’un peuple qui prend son bienfaiteur dans ses bras ? Sais-tu ce que c’est que d’être porté comme un nourrisson chéri par le vaste océan des hommes ? Sais-tu ce que c’est que d’être montré par un père à son enfant ?

Le Duc.

Je me soucie de l’impôt ; pourvu qu’on le paye, que m’importe ?

La Marquise.

Mais enfin, on t’assassinera. — Les pavés sortiront de terre et t’écraseront. Ah ! la postérité ! N’as-tu jamais vu ce spectre-là au chevet de ton lit ? Ne t’es-tu jamais demandé ce que penseront de toi ceux qui sont dans le ventre des vivants ? Et tu vis, toi, il est encore temps ! Tu n’as qu’un mot à dire. Te souviens-tu du père de la patrie ? Va ! cela est facile d’être un grand roi quand on est roi. Déclare Florence indépendante ; réclame l’exécution du traité avec l’empire ; tire ton épée et montre-la : ils te diront de la remettre au fourreau, que ses éclairs leur font mal aux yeux. Songe donc comme tu es jeune ! Rien n’est décidé sur ton compte. — Il y a dans le cœur des peuples de larges indulgences pour les princes, et la reconnaissance publique est un profond fleuve d’oubli pour leurs fautes passées. On t’a mal conseillé, on t’a trompé. — Mais il est encore temps ; tu n’as qu’à dire ; tant que tu es vivant, la page n’est pas tournée dans le livre de Dieu.