Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et moi je le lui donnais, parce qu’elle le demandait, rien de plus : faiblesse maudite ! pas une réflexion. À quoi tient donc l’honneur ? et Cordiani ? pourquoi ne l’ai-je pas consulté ? lui, mon meilleur, mon unique ami, que dira-t-il ? L’honneur ?… ne suis-je pas un honnête homme ? j’ai fait un vol cependant. Ah ! s’il s’agissait d’entrer la nuit chez un grand seigneur, de briser un coffre-fort et de s’enfuir ; cela est horrible à penser, impossible. Mais quand l’argent est la, entre vos mains, qu’on n’a qu’à y puiser, que la pauvreté vous talonne, non pas pour vous, mais pour Lucrèce ! mon seul bien ici-bas, ma seule joie, un amour de dix ans ! et quand on se dit qu’après tout, avec un peu de travail, on pourra remplacer… Oui, remplacer ! le portique de l’Annonciade m’a valu un sac de blé !

Grémio, revenant.

Voilà qui est fait. Nous partirons quand vous voudrez.

André.

Qu’as-tu donc, Grémio ? je te regardais arranger ces brides ; tu te sers aujourd’hui de ta main gauche.

Grémio.

De ma main ?… Ah ! ah ! je sais ce que c’est. Plaise à Votre Excellence, j’ai le bras droit un peu blessé. Oh ! pas grand’chose ; mais je me fais vieux, et dame ! dans mon temps,… j’aurais dit…

André.

Tu es blessé, dis-tu ? Qui t’a blessé ?