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tion pour Byron, j’avoue qu’aucun panégyrique, aucune ode, aucun écrit sur ce génie extraordinaire ne m’a autant touché qu’un certain mot que j’ai entendu dire à notre meilleur sculpteur[1], un jour qu’on parlait de Childe Harold et de Don Juan. On discutait sur l’orgueil démesuré du poëte, sur ses manies d’affectation, sur ses prétentions au remords, au désenchantement ; on blâmait, on louait. Le sculpteur était assis dans un coin de la chambre, sur un coussin à terre, et tout en remuant dans ses doigts sa cire rouge sur son ardoise, il écoutait la conversation sans y prendre part. Quand on eut tout dit sur Byron, il tourna la tête et prononça tristement ces seuls mots : « Pauvre homme ! » Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que cette simple parole de pitié et de sympathie pour le chantre de la douleur en disait à elle seule plus que toutes les phrases d’une encyclopédie.

Bien que j’aie médit de la critique, je suis loin de lui contester ses droits, qu’elle a raison de maintenir, et qu’elle a même solidement établis. Tout le monde sent qu’il y aurait un parfait ridicule à venir dire aux gens : « Voilà un livre que je vous offre ; vous pouvez le lire et non le juger. » La seule chose qu’on puisse raisonnablement demander au public, c’est de juger avec indulgence.

On m’a reproché, par exemple, d’imiter et de m’inspirer de certains hommes et de certaines œuvres. Je réponds franchement qu’au lieu de me le reprocher on aurait dû m’en louer[2]. Il n’en a pas été de tous les temps comme il

  1. David d’Angers
  2. Au moment où l’auteur écrivait ces lignes, il avait déjà publié les Contes d’Espagne et d’Italie et la première partie du Spectacle dans un fauteuil. Il répond ici aux critiques qui l’accusaient d’avoir imité dans ces deux ouvrages divers poëtes français et étrangers.