Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

secrétaires : pareil à des châteaux de cartes, tout l’édifice politique de leur sagesse dépendrait d’un souffle de votre bouche ; autour de vous s’agiterait en tous sens la foule de ces roseaux, que plie et relève le vent des cours ; vous serez un despote, si vous ne voulez être une reine. Ne faites pas surtout un rêve sans le réaliser ; qu’un caprice, qu’un faible désir n’échappe pas à ceux qui vous entourent, et dont l’existence entière est consacrée à vous obéir. Vous choisirez entre vos fantaisies, ce sera tout votre travail, madame ; et si le pays que je vous décris…

Laurette.

C’est le paradis des femmes.

Le Prince.

Vous en serez la déesse.

Laurette.

Mais le rêve sera-t-il éternel ? Ne cassez-vous jamais le pot au lait ?

Le Prince.

Jamais.

Laurette.

Ah ! qui m’en assure ?

Le Prince.

Un seul garant, — mon indicible, ma délicieuse paresse. Voilà bientôt vingt-cinq ans que j’essaye de vivre, Laurette. J’en suis las ; mon existence me fatigue ; je rattache à la vôtre ce fil qui s’allait briser ; vous vivrez pour moi, j’abdique : vous chargez-vous de cette tâche ?