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vous étiez surveillée, tancée quelquefois, vous allez entrer demain (n’est-ce pas demain ?) dans une atmosphère de despotisme et de tyrannie ; vous allez respirer l’air délicieux de la plus aristocratique bonbonnière ; c’est de ma petite cour que je parle, ou plutôt de la vôtre, car je suis le premier de vos sujets. Une grave duègne vous suivra, c’est l’usage ; mais je la payerai pour qu’elle ne dise rien à votre mari. Aimez-vous les chevaux, la chasse, les fêtes, les spectacles, les dragées, les amants, les petits vers, les diamants, les soupers, le galop, les masques, les petits chiens, les folies ? — Tout pleuvra autour de vous. Enseveli au fond de la plus reculée des ailes de votre château, le prince ne saura et ne verra que ce que vous voudrez. Avez-vous envie de lui pour une partie de plaisir ? un ordre expédié de la part de la reine avertira le roi de prendre son habit de chasse, de bal ou d’enterrement. Voulez-vous être seul ? Quand toutes les sérénades de la terre retentiraient sous vos fenêtres, le prince, au fond de son donjon gothique, n’entendra rien au monde ; une seule loi régnera dans votre cour : la volonté de la souveraine. Ressembleriez-vous par hasard à l’une de ces femmes pour qui l’ambition, les honneurs, le pouvoir, eurent tant de charmes ? Cela m’étonnerait, et mon vieux docteur aussi ; mais n’importe. Les hochets que je mettrais alors entre vos mains, pour amuser vos loisirs, seraient d’autre nature : ils se composeraient d’abord de quelques-unes de ces marionnettes qu’on nomme des ministres, des conseillers, des