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tout. Ô Dieu ! il me semble que j’entends monter à la terrasse. Est-ce déjà le prince ? — Non, tout est tranquille.

« À onze heures ; si tu ne peux réussir à t’échapper. Crois que, si tu me refuses, ma mort est certaine !… »

Ô Razetta, Razetta ! insensé, il m’en coûte cher de t’avoir aimé !

Fuirai-je ?… La princesse d’Eysenach fuira-t-elle ?… avec qui ?… avec un joueur déjà presque ruiné ? avec un homme plus redoutable seul que tous les malheurs… Si j’avertissais le prince ? — Ô ciel ! on vient.

Mais Razetta ! il se tuera sans doute sous mes fenêtres…

Le prince ne peut tarder ; je vois des pages avec des flambeaux traverser l’orangerie. La nuit est obscure ; le vent agite ces lumières ; écoutons… Quelle singulière frayeur me saisit !… Quel est l’homme qui va se présenter à moi ?… Inconnus l’un à l’autre,… que va-t-il me dire ?… Oserai-je lever les yeux sur lui ?… Oh ! je sens battre mon cœur… L’heure va si vite ! onze heures seront bientôt arrivées !…

Une voix, en dehors.

Son Excellence veut-elle monter cet escalier ?

Laurette.

C’est lui ! il vient.

Elle écoute.

Je ne me sens pas la force de me lever ; cachons ce stylet.

Elle le met dans son sein.