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étant mort, on lui a dit : « Sire, en voilà un autre. » C’est admirable ! Dieu merci, voilà ma cervelle à l’aise, je puis faire toutes les balivernes possibles sans qu’on me dise rien pour m’en empêcher ; je suis un des animaux domestiques du roi de Bavière, et si je veux, tant que je garderai ma bosse et ma perruque, on me laissera vivre jusqu’à ma mort entre un épagneul et une pintade. En attendant, mes créanciers peuvent se casser le nez contre ma porte tout à leur aise. Je suis aussi bien en sûreté ici sous cette perruque, que dans les Indes occidentales.

N’est-ce pas la princesse que j’aperçois dans la chambre voisine, à travers cette glace ? Elle rajuste son voile de noces ; deux longues larmes coulent sur ses joues ; en voilà une qui se détache comme une perle et qui tombe sur sa poitrine. Pauvre petite ! j’ai entendu ce matin sa conversation avec sa gouvernante ; en vérité, c’était par hasard ; j’étais assis sur le gazon, sans autre dessein que celui de dormir. Maintenant la voilà qui pleure et qui ne se doute guère que je la vois encore. Ah ! si j’étais un écolier de rhétorique, comme je réfléchirais profondément sur cette misère couronnée, sur cette pauvre brebis à qui on met un ruban rose au cou pour la mener à la boucherie ! Cette petite fille est sans doute romanesque ; il lui est cruel d’épouser un homme qu’elle ne connaît pas. Cependant elle se sacrifie en silence. Que le hasard est capricieux ! il faut que je me grise, que je