Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout cela. Après tout, je serai une reine, c’est peut-être amusant ; je prendrai peut-être goût à mes parures, que sais-je ? à mes carrosses, à ma nouvelle cour ; heureusement qu’il y a pour une princesse autre chose dans le mariage qu’un mari. Je trouverai peut-être le bonheur au fond de ma corbeille de noces.

La Gouvernante.

Vous êtes un vrai agneau pascal.

Elsbeth.

Tiens, ma chère, commençons toujours par en rire, quitte à en pleurer quand il en sera temps. On dit que le prince de Mantoue est la plus ridicule chose du monde.

La Gouvernante.

Si Saint-Jean était là !

Elsbeth.

Ah ! Saint-Jean, Saint-Jean !

La Gouvernante.

Vous l’aimiez beaucoup, mon enfant.

Elsbeth.

Cela est singulier : son esprit m’attachait à lui avec des fils imperceptibles qui semblaient venir de mon cœur ; sa perpétuelle moquerie de mes idées romanesques me plaisait à l’excès, tandis que je ne puis supporter qu’avec peine bien des gens qui abondent dans mon sens ; je ne sais ce qu’il y avait autour de lui, dans ses yeux, dans ses gestes, dans la manière dont il prenait son tabac. C’était un homme bizarre ;