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par des actions qui auraient dû m’éloigner de toi. Comment j’en suis venue à t’aimer, à te permettre de m’aimer moi-même, c’est ce dont je ne suis pas capable de rendre compte. Que de fois j’ai redouté ton caractère violent, excité par une vie de désordres qui seule aurait dû m’avertir de mon danger ! — Mais ton cœur est bon.

Razetta.

Tu te trompes ; je ne suis pas un lâche, et voilà tout. Je ne fais pas le mal pour le bien ; mais, par le ciel ! je sais rendre le mal pour le mal. Quoique bien jeune, Laurette, j’ai trop connu ce qu’on est convenu d’appeler la vie pour n’avoir pas trouvé au fond de cette mer le mépris de ce qu’on aperçoit à sa surface. Sois bien convaincue que rien ne peut m’arrêter.

Laurette.

Que feras-tu ?

Razetta.

Ce n’est pas, du moins, mon talent de spadassin qui doit t’effrayer ici. J’ai affaire à un ennemi dont le sang n’est pas fait pour mon épée.

Laurette.

Eh bien donc ?…

Razetta.

Que t’importe ? c’est à moi de m’occuper de moi. Je vois des flambeaux traverser la galerie ; on t’attend.

Laurette.

Je ne quitterai pas ce balcon que tu ne m’aies promis de ne rien tenter contre toi, ni contre…