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comme allié de ma famille, de faire agréer la demande du jeune Orsini, qui voulait m’épouser. Il fut reçu comme le méritait son rang par votre grand’père, et admis dans son intimité. Orsini était un excellent parti, et cependant je le refusai. Votre père, en plaidant pour lui, avait tué dans mon cœur le peu d’amour qu’il m’avait inspiré pendant deux mois d’assiduités constantes. Je n’avais pas soupçonné la force de sa passion pour moi. Lorsqu’on lui apporta ma réponse, il tomba, privé de connaissance, dans les bras de votre père. Cependant une longue absence, un voyage qu’il entreprit alors, et dans lequel il augmenta sa fortune, devaient avoir dissipé ses chagrins. Votre père changea de rôle et demanda pour lui ce qu’il n’avait pu obtenir pour Orsini. Je l’aimais d’un amour sincère, et l’estime qu’il avait inspirée à mes parents ne me permit pas d’hésiter. Le mariage fut décidé le jour même, et l’église s’ouvrit pour nous quelques semaines après. Orsini revint à cette époque. Il vint trouver votre père, l’accabla de reproches, l’accusa d’avoir trahi sa confiance et d’avoir causé le refus qu’il avait essuyé. Du reste, ajouta-t-il, si vous avez désiré ma perte, vous serez satisfait. Épouvanté de ces paroles, votre père vint trouver le mien et lui demander son témoignage pour désabuser Orsini. — Hélas ! il n’était plus temps ; on trouva dans sa chambre le pauvre jeune homme traversé de part en part de plusieurs coups d’épée.5