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Sur vos deux bras charmants maintenant appuyé,
J’aurai deux confidents, l’amour et l’amitié.

Livie.

Ils vous seront, seigneur, fidèles et sincères.

Auguste.

Or donc, écoutez-moi, mes belles conseillères :
Revenant d’Actium, quand tout me fut soumis,
Resté dans l’univers seul et sans ennemis,
N’ayant plus qu’à régner, j’eus un jour la pensée,
Voyant de ses tyrans Rome débarrassée,
De lui rendre, après tout, l’état républicain,
Et de briser, vainqueur, trois sceptres dans ma main.
César était vengé ; que m’importait le reste ?
Je crus dans ce projet voir un avis céleste.
Mais, comme en toute chose, avant d’exécuter,
C’est l’humaine raison qu’il nous faut écouter,
J’appelai près de moi, de nos grands politiques,
Les plus accoutumés aux affaires publiques.
D’une et d’autre façon le point fut débattu ;
D’un ni d’autre côté je ne fus convaincu.
Donc, je restai le maître, et suivis ma fortune.
Aujourd’hui j’ai chassé cette idée importune.
Mon trône m’est trop cher pour le vouloir quitter,
À Livie.
Alors qu’auprès de moi vous venez d’y monter.
Mais un tourment nouveau m’afflige et me dévore ;
Ma gloire inassouvie en moi s’éveille encore.
J’ai voulu, j’ai cherché, j’ai conquis le repos.