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Car, pour moi, le printemps n’a pas de doux ombrage ;
Le soleil est sans feux, l’Océan sans rivage,
Et le jour sans clarté ! »

Ainsi, pour égayer son ennui solitaire,
Quand Dieu jeta le mal et le bien sur la terre,
Moi, je ne pus trouver que ma part de douleur ;
Convive repoussé de la fête publique,
Mes accents troubleraient l’harmonieux cantique
Des enfants du Seigneur.

Ah ! si je ressemblais à ces hommes de pierre
Qui, cherchant l’ombre amie et fuyant la lumière,
Ont trouvé dans le vice un facile plaisir !…
Ceux-là vivent heureux !… Mais celui qui dans l’âme
Garde quelque lueur d’une plus noble flamme,
Celui-là doit mourir.

L’ennui, vautour affreux, l’a marqué pour sa proie ;
Il trouve son tourment dans la commune joie ;
Respirant dans le ciel tous les feux de l’enfer,
Le bonheur n’est pour lui qu’un horrible mélange,
Car le miel le plus doux sur ses lèvres se change
En un breuvage amer.

Jusqu’au jour où d’ennui son âme dévorée
Trouve pour reposer quelque tombe ignorée,