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lui prouvant qu’il y avait encore place dans le goût du public pour les ouvrages délicats. Le Caprice entraîna bientôt à sa suite plusieurs autres pièces du Spectacle dans un fauteuil, et chaque nouveau succès ajoutait à la réputation de l’auteur. Précisément parce que toutes ces comédies avaient été composées sans préoccupation des conventions du théâtre, il se trouva qu’elles y gagnaient une saveur particulière de grâce et d’originalité. Elles étaient censées heurter toutes les règles, et l’on s’aperçut qu’elles étaient conçues dans les règles véritables de l’art, qu’il ne faut pas confondre avec celles du métier, récemment inventées pour suppléer au style et déguiser la misère de la forme. Elles étaient censées vides d’intrigue et de péripéties, et l’on s’aperçut que l’intrigue et les péripéties s’y trouvaient dans l’ordre des sentiments où est leur véritable place.

Cette veine de bonheur arrivait bien tard ; cependant elle tira le poète de son indifférence dédaigneuse et lui rendit le cœur au travail. Il écrivit successivement les vers sur Trois marches de marbre rose, Louison, un proverbe, imité de Carmontelle, puis Carmosine et Bettine. Après les succès de théâtre qu’il venait d’obtenir avec le Caprice, Il ne faut jurer de rien, le Chandelier, etc., l’auteur, on en conviendra, eût été bien fou de continuer, de parti pris, à faire des pièces uniquement destinées à l’impression, comme dans le temps où il croyait de bonne foi que le public des spectacles ne voudrait pas même l’écouter ; aussi, lorsque M. Véron lui demanda une comédie pour le Constitutionnel se donna-t-il la peine d’observer l’unité de lieu et de se préoccuper de la représentation. C’est avec cette pensée qu’il composa Carmosine. Alfred de Musset considérait cet ouvrage comme un