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pouvoir s’en détendre. Un jour, qu’il se surprit en flagrant délit de soupçon injurieux, il se fit à lui-même son procès, et non content de se reprocher ses mauvaises pensées, il en rechercha la cause et il crut la découvrir dans la première leçon de tromperie qu’il avait reçue. Cet examen de conscience tourna en sujet de poésie, et il en sortit la Nuit d’octobre, que l’on doit considérer comme la suite et la conclusion de la Nuit de mai, malgré l’intervalle de plus de deux ans qui s’était écoulé de l’une à l’autre.

Jusqu’alors Alfred de Musset n’avait point encore écrit de Nouvelles. Il voulut s’essayer dans ce genre de littérature que Boccace, Cervantes et Mérimée ont élevé au niveau de la poésie, de la comédie et du drame. Le premier sujet qui lui vint à l’esprit fut celui d’Emmeline. Le succès de ce récit l’encouragea. En dix-huit mois, du 1er août 1837 au 15 février 1839, il composa six Nouvelles dont je n’ai pas besoin de répéter ici les titres. Celle que l’auteur estimait la meilleure est le Fils du Titien ; il en avait remarqué le sujet, en même temps que celui d’André del Sarto, dans une histoire de la peinture italienne. Quand il eut achevé ces six petits romans, il s’arrêta disant qu’il avait assez de la prose. Ce n’était pas qu’il eût négligé la poésie pendant ces dix-huit mois. Il y était même revenu à trois reprises, et avec assez de bonheur. Un jour qu’il ouvrit un volume de Spinosa, il se sentit provoqué par les formules démonstratives de ce philosophe, et il engagea dans son esprit la discussion avec lui. Ce redoutable raisonneur n’eut pas le pouvoir de le persuader. Une fois attiré sur ce terrain, il se mit à relire nuit et jour, avec son ardeur habituelle, tous les livres qui ont traité de ce qu’il est interdit à l’homme de connaître. Le