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les dernières parties de la Confession. Je l’ai déjà dit ailleurs : cet ouvrage n’a d’une confession que le titre et la forme[1]. Octave, Desgenais, Smith et Brigitte sont des figures idéales composées de mille traits observés sur des modèles divers. Cependant les lecteurs attentifs qui voudront en prendre la peine découvriront aisément quelques traits de ressemblance entre Emmeline et Brigitte Pierson.

On ne pouvait pas empêcher Gilbert de passer, le soir, dans la rue où demeurait cette Emmeline si regrettée, et de jeter un coup d’œil sur ses fenêtres. Au mois de février, pendant une nuit de carnaval, il usa de cette liberté. Les cruelles impressions qu’il rapporta de cette excursion nocturne produisirent la Lettre à Lamartine, qui est le complément de la Nuit de décembre. Les lecteurs de ce temps-là, pas plus que ceux d’aujourd’hui, n’ont dû prendre au pied de la lettre le passage de cette poésie où il est parlé d’un lien de dix ans. Comment un amour de dix ans aurait-il pu trouver place dans la vie d’un jeune homme qui n’en avait que vingt-cinq ? On a vu, d’ailleurs, ce qui en était. La douleur d’un amant malheureux ne se mesure pas par le temps que son bonheur a duré ; mais le poète, en s’adressant à Lamartine, a pensé qu’on ne voudrait pas croire à tant de regrets et de désespoir pour un lien rompu aussitôt que formé. En poésie, l’amour qu’on pleure est toujours, au moment des larmes, le premier, l’unique amour. Les souvenirs d’Emmeline occupent une place considérable dans l’œuvre d’Alfred de Musset, puisqu’on leur doit deux de ses pièces de vers les plus admirées et l’un de ses meilleurs ou-

  1. Voir tome VIII, page 1.