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d’une fièvre cérébrale dont il avait failli mourir à Venise. Tout languissant qu’il était pendant cette fatale année 1834, il écrivit deux de ses ouvrages les plus remarquables, tous deux empreints d’un cachet particulier de passion et presque de violence : On ne badine pas avec l’amour et Lorenzaccio. Un jour, son ami Alfred Tattet lui faisait remarquer que dans le premier de ces deux ouvrages certains détails semblaient appartenir au siècle dernier et d’autres au temps présent. Il répondit en souriant : « Pouvez-vous me dire de quel temps est l’homme et sous quel règne a vécu la femme ? »

Il avait voulu, en effet, que le sujet fût applicable à tous les temps. De là ces noms bizarres de Perdican, Blazius, dame Pluche, qui ne sont d’aucune époque déterminée. Partout où les amants, au lieu de s’entendre, chercheront à se faire des blessures, partout où l’orgueil et l’amour lutteront ensemble, cette comédie sera comprise et sentie, et les anachronismes prémédités servent justement à lui donner une portée plus grande et plus générale. Lorenzaccio est d’un genre tout différent. Le sujet, emprunté aux Chroniques florentines, exigeait des recherches et quelques méditations. Alfred de Musset, qui en avait composé le plan à Florence, voulait que ce drame fût une peinture vraie des mœurs italiennes au seizième siècle. Ce sujet lui plaisait extrêmement ; il le trouvait aussi fécond et aussi beau que celui d’Hamlet, et je suis de cet avis. Lorenzo rêvant l’affranchissement de sa patrie opprimée par les Médicis et par Charles-Quint, a certainement dans la tête une idée plus grande que celle du prince de Danemark ne songeant qu’à venger la mort de son père. Hamlet devient admirable, il