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XXII

À SON FRÈRE, EN ITALIE.


(Février 1843.)


Mon cher ami, j’ajoute ce mot à la lettre de ma mère pour répondre à tes questions.

J’étais donc à souper chez Buloz le jour des Rois. Toute la Revue s’y trouvait, plus Rachel. C’était un peu froid ; on aurait dit un dîner diplomatique. Le hasard facétieux a donné la fève à Henri Heine, qui a fait semblant de ne pas savoir ce qu’on lui voulait, de sorte que le gâteau sur lequel la maîtresse de la maison devait compter pour égayer la soirée, a été pour le roi de Prusse. Heureusement Chaudes-Aigues s’est grisé, ce qui a rompu la glace. Rachel m’a demandé si nous étions fâchés, d’un petit air si coquet et si aimable que je lui ai répondu : « Pourquoi ne m’avez-vous pas regardé ainsi et fait la même question il y a trois ans ? Vous sauriez que je ne connais pas la rancune, et notre brouille aurait duré vingt-quatre heures. » — Elle m’a lancé un regard plus coquet que le premier, en disant : « Que de temps perdu ! » Et nous nous sommes donné la main en répétant que c’était fini. Rachel m’a