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pu valoir. Ceux qui rompent cette glace doivent être mis à part, et, en général, les hommes ont le grand avantage de la liberté, qui les dispense de l’hypocrisie. S’il y a peu d’hommes qui sachent être heureux, il y a peu de femmes qui osent être heureuses. À partie égale, entre amants, il y en a toujours un qui est le propriétaire l’autre n’est que l’usufruitier, et, en cela, je vous reconnais la supériorité ; nous goûtons le bonheur, mais vous en avez le secret.

Vous me parlez d’un méchant sujet, qui est moi-même. Je crois avoir le droit de dire que je m’ennuie, parce que je sais très bien pourquoi. Vous me dites que ce qui me manque, c’est la foi. — Non, madame j’ai eu, ou cru avoir cette vilaine maladie du doute, qui n’est, au fond, qu’un enfantillage, quand ce n’est pas un parti pris et une parade ; non seulement aujourd’hui j’ai foi en beaucoup de choses et d’excellentes choses, mais je ne crois pas même que, si on me trompait, ou si je me trompais, je perdisse cette foi pour cela.

Pour ce qui regarde les choses d’un peu plus haut et la foi de la sœur Marceline, je ne peux rien dire là-dessus. La croyance en Dieu est innée en moi ; le dogme et la pratique me sont impossibles, mais je ne veux me défendre de rien ; certainement je ne suis pas mûr sous ce rapport. Ce qui me manque maintenant, je vous l’ai dit : c’est une chose beaucoup plus terrestre. Je vous ai raconté comme quoi une passion absurde, fort inutile et un peu ridicule, m’a fait rompre, depuis à peu près