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je rêvasserais à mon aise. — Très réellement, je crois qu’il y a, dans ce moment-ci, un coup de vent dans le monde artiste. La tradition classique était une admirable convention, le débordement romantique a été un déluge, au milieu duquel il y avait de bons côtés. Nous voilà aujourd’hui à la vérité pure, et dégagée de tout. Je donnerais bien cent écus, comme dit Vernet, pour n’avoir que vingt ans, à l’heure qu’il est, et pouvoir m’envoler, dans cette bourrasque, en compagnie de Paulette et de Rachel, quitte a me perdre dans les nues avec elles. Je suis bien vieux pour un tel voyage, et l’on m’a passablement brûlé les ailes en temps et lieu. Mais n’importe : si je ne les suis pas, je puis, du moins, les regarder partir, et boire à leur santé le coup de l’étrier. Nous trinquerons ensemble, n’est-ce pas, ma chère marraine ?

Je finis ma nouvelle ; c’est ce qui m’empêche d’aller vous voir. Mille remerciements comme toujours, et mille amitiés à toujours.

Alf. M.
Lundi 17 (décembre 1838).

Cette lettre contient, en substance, la pensée que l’auteur a développée dans l’article de la Revue des Deux Mondes, où il a comparé mademoiselle Rachel à mademoiselle Pauline Garcia, et qui se termine par une pièce de vers adressée aux deux jeunes filles. On a vu, par la lettre précédente, qu’il n’avait pu assister au concert ; mais il alla chez mademoiselle Garcia, qui lui fit entendre les morceaux qu’elle y avait chantés. Ce poète qui se disait bien vieux avait vingt-huit ans.