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Pendant les premiers mois de l’année 1831, à la sollicitation de Jacques Coste, directeur du Temps, Alfred de Musset écrivit quelques articles de critique et de fantaisie pour ce journal[1]. Tour à tour laborieux et dissipé, il travaillait avec une ardeur incroyable, pourvu que rien ne vînt le distraire ; car une fois le travail achevé ou interrompu, le poète redevenait dandy. Ses amis, plus riches que lui, l’enlevaient trop souvent à ses livres. D’ailleurs, il ne se cachait pas de ses goûts aristocratiques. Tous les endroits consacrés à la fashion exerçaient sur lui un attrait irrésistible. C’était l’Opéra, où il avait ses entrées, le Théâtre-Italien, le boulevard de Gand, le Café de Paris, où se réunissaient des hommes fort distingués, mais sans autre lien entre eux que celui de l’habitude. On jouait gros jeu ; on faisait des parties de plaisir d’une durée illimitée, des gageures insensées dont il fallait remplir les conditions à la rigueur, dût-on s’y casser le cou. — La devise de l’endroit était : Pas de quartier ! — Un soir on apprit qu’un des habitués de la réunion ne viendrait plus. Le bruit courut qu’il avait pris avec lui-même l’engagement de se brûler la cervelle le jour où il aurait perdu ou dépensé son dernier louis, et que, ce moment venu, il s’était tenu parole avec un

  1. On a dit qu’il avait profité de la liberté d’écrire des articles sans signature pour attaquer M. Victor Hugo ; cette accusation n’a aucun : fondement il n’a publié dans le Temps que deux morceaux de critique littéraire, l’un sur les Pensées de Jean-Paul, l’autre sur les Mémoires de Casanova. Ses autres articles sont des Revues fantastiques sur des sujets de circonstance, et qui ne renferment d’attaques contre personne, comme on peut le vérifier par la lecture du volume des Mélanges. — Heureusement Alfred de Musset a conservé les numéros du Temps dans lesquels il avait écrit.