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Astoin, du même âge que lui et dont il avait conservé de bons souvenirs. Ce jeune homme désirait se faire éditeur ; il venait demander à l’auteur des Contes d’Espagne et d’Italie une pièce de vers pour un recueil de morceaux inédits. Alfred de Musset ne savait pas refuser un service. Il donna un fragment du Saule qu’il venait de terminer. Le recueil parut en janvier 1831 sous ce titre : Keepsake américain, morceaux choisis de littérature contemporaine (New-York, Philadelphie, Paris) ; c’est un petit volume de 362 pages. Astoin était un éditeur novice et sans clientèle ; cette publication ne fut point remarquée, en sorte que le Saule se trouvait inutilement défloré. Alfred de Musset se repentit de sa prodigalité. Ce poème contenait des beautés d’un genre nouveau pour lui et dont il eût souhaité de voir l’effet sur le public. Plus tard, lorsque M. Buloz vint lui demander sa collaboration, la Revue des Deux Mondes ne devant offrir à ses lecteurs que des ouvrages inédits, le Saule ne pouvait plus y être inséré. Enfin, en 1835, Alfred voulut traiter le même sujet dans un cadre moins étendu et le réduisit aux proportions d’une simple élégie, ce qui explique pourquoi quelques vers du Saule sont répétés dans Lucie. C’est encore pour la même raison que Bernerette chanta au milieu des bois de Montmorency l’invocation à l’étoile du soir, qui se trouve dans le Saule, et, à vrai dire, c’était de la poésie d’un ordre bien élevé pour cette pauvre fille. Considérant son poème comme noyé à tout jamais, Alfred saisit ces deux occasions d’en sauver quelques débris. Mais, longtemps après, lorsque tous ses ouvrages furent réimprimés, il réunit le Saule aux autres poésies et le publia en entier sans s’inquiéter des passages répétés.