Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui existaient tacitement entre une partie du public et l’auteur de la Ballade à la Lune devaient lui être funestes à la première occasion où il aurait affaire au parterre d’un théâtre. Il l’apprit à ses dépens, lorsqu’il eut l’imprudence de donner la Nuit vénitienne aux artistes de l’Odéon. La pièce, représentée le 1er décembre 1830, fut sifflée dès la première scène et retirée par l’auteur sans avoir été entendue. Alfred de Musset se tenait déjà pour dit que le public des théâtres ne voulait point de ses ouvrages ; cependant, M. Harel, directeur de l’Odéon, accourut chez lui pour l’engager à tenter une nouvelle épreuve et à écrire une autre comédie, jurant ses grands dieux que celle-là serait applaudie. L’auteur de la Nuit vénitienne écrivit, en effet, le plan d’une nouvelle pièce qu’il envoya au directeur de l’Odéon, persuadé que M. Harel reculerait devant l’épreuve de la revanche. Il ne se trompait pas : M. Harel, qui ne s’attendait pas à être pris au mot, serra le plan dans un carton, et n’en reparla jamais[1].

Pour se consoler de cet échec, Alfred revint à la poésie lyrique. La Revue de Paris publia plusieurs morceaux de lui qui annonçaient déjà un changement complet dans sa manière de versifier. C’est dans le même temps qu’il composa le poème du Saule, dont voici l’historique : Alfred reçut, un matin, la visite d’un camarade de collège nommé

  1. Ce projet de pièce de théâtre ne m’a pas été communiqué. Alfred l’envoya chez M. Harel, sans prendre le temps de consulter personne. J’en ai lu seulement la liste des personnages, et je crois me rappeler les noms d’André del Sarto et de Cordiani. Il n’y aurait donc rien à regretter, puisque cette pièce a été écrite en 1833, avec plus de talent que l’auteur ne l’eût pu faire au moment où il venait de composer la Nuit vénitienne.