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commit la faute d’applaudir le sonnet prétentieux d’Oronte, il comprit aussitôt son erreur ; mais Alfred de Musset, moins heureux que Molière, eut bien de la peine à faire revenir de leur méprise les lecteurs inattentifs. Il eut beau s’expliquer dans les Pensées de Raphaël, ceux qui avaient pris au sérieux la Ballade à la Lune persistèrent pendant bien des années dans leurs préventions contre l’auteur.

Le poète blondin des Contes d’Espagne et d’Italie n’en fut pas moins recherché dans les salons de Paris avec un empressement et une curiosité qu’on ne saurait imaginer. C’est alors qu’il commença d’acquérir de l’expérience. On ne me croirait pas si je disais quelles satisfactions d’amour-propre vinrent au-devant de lui et jusqu’où il fut mené par le tourbillon du succès. L’hypocrisie n’était pas plus de mise alors pour un jeune poète que pour ses lectrices. On peut reprocher à la littérature de 1830 quelques défauts ; mais on ne peut nier qu’elle ait eu le mérite de la sincérité, qualité virile, sans laquelle le génie lui-même ne donne que des fruits avortés.

Dans l’école d’où sortaient les Contes d’Espagne et d’Italie, on se piquait non seulement de franchise, mais de témérité. L’auteur passa pour le romantique le plus entêté de la phalange, au moment où ses idées commençaient à se modifier. Quelques hommes témoins de ses succès l’accusèrent de fatuité, quelques-uns prirent pour de l’orgueil le malaise que lui causaient les compliments à brûle-pourpoint ; mais ceux qui l’ont connu savent bien qu’il n’y eut jamais de garçon plus modeste, plus empressé à rendre justice aux autres et à jouir de leur esprit.

Les divers malentendus que nous venons d’indiquer et