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Valbrun.

Comme tu voudras… je l’ai aimée… Que ce soit une faute, une sottise, un ridicule, si tu le veux… mais je l’ai aimée, et le mal qu’elle m’a fait m’effraye malgré moi pour l’avenir… Je crains d’y retrouver le passé.

Prévannes.

Eh ! laisse donc là le passé ! qui n’a pas le sien ? Tu vas être heureux… Commence donc par tout oublier… Est-ce que tu es en cour d’assises pour qu’on te demande tes antécédents ? Viens, viens regarder cet album… Il y a un dessin de Marguerite.

Valbrun.

Je le connais… Ah ! mon ami, si tu savais !…

Prévannes.

Mais tu sais très bien que je sais.

Tenant à la main le billet qu’il a pris.

Ne dirait-on pas qu’il n’y a qu’une femme au monde ? Madame Darcy t’a fait de la peine, elle a mal agi ; elle t’a planté là, et, qui pis est, elle t’a menti. C’est une vilaine créature. Eh bien ! après ? Vas-tu en faire un épouvantail dont il n’y ait que toi qui s’effarouche ? Tu ne te guériras donc jamais de cet empoisonnement-là ?

Valbrun, se levant.

Certes, si mon chagrin pouvait s’adoucir… si un peu d’espoir me revenait… si je croyais pouvoir oublier… ce serait dans cette maison.