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que tout ceci ne nous fasse pas négliger nos affaires… Il faut que je présente Visconti à M. le doge… M. le doge !… jusqu’où dégradera-t-on cette dignité qui fut suprême ? Ce pauvre homme, à qui je présente mon gendre, n’aurait pas le droit de lui donner sa fille. La Quarantie s’y opposerait. Ainsi grandit, comme une forêt qui enveloppe tout dans son ombre, notre toute-puissante aristocratie. Contarini ! tu es le premier doge dont la patrie reconnaissante ait prononcé l’oraison funèbre ; tu es le dernier qu’on ait appelé seigneur ! Par mon patron, si les électeurs voulaient me planter, par mégarde, ce piteux bonnet doré sur la tête, je ferais comme Tiepolo, qui s’évada pour ne point régner, voire même comme Urseolo, qui, de désespoir d’être doge de Venise, alla se faire moine à Perpignan… Mais que fait donc cette paresseuse suivante ?

Il appelle.

Nina ! Nina !

Nina.

Me voici, monseigneur.

Lorédan.

Est-ce que ma fille n’est point levée ?

Nina.

Elle ne m’a point fait appeler, monseigneur.

Lorédan.

Allez-y voir… Nina ! Nina ! dites-lui que le mar-