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Michel.

C’est parce que je suis un soldat qu’on m’a appris qu’il valait mieux agir…

Lorédan.

Que de parler ? C’est ce qu’ils m’ont dit aussi quand je suis sorti du conseil intime. Je connais de reste Venise, et je sais que les murailles y ont des oreilles…

Fabrice.

Non pas ici, mon père, mais…

Lorédan.

Partout, partout !… J’ai vu à l’œuvre les gens que le peuple appelle ceux de là-haut. Venise est le pays du silence. Il s’y promène dans les rues, avec la trahison par derrière, qui le suit en guise de laquais. Je sais tout cela, je lui ai payé ma dette ; je me suis tu soixante-cinq ans ; mais je suis vieux, je suis las, cela m’ennuie. Je ne divulgue point les secrets de l’État, par la fort bonne raison que je les ignore ; mais j’ai été sénateur, correcteur des lois, conseiller, sage de la terre ferme ; il est bien temps que je sois moi-même, et si je radote dans ma barbe grise…

Michel.

La trahison ne vieillit pas.

Lorédan.

À mon âge, monsieur, on ne craint plus que Dieu… Mais qui vient là ? quel est ce bruit ?