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consulte, se reposait de ses travaux sérieux en composant des vers remarquables par des qualités originales. En 1771, il écrivit une satire contre le chancelier Maupeou, intitulée les Chancelières, et qui fit beaucoup de bruit. Il commença un poème des Heures qu’il n’acheva point, parce qu’il s’ennuya du genre didactique. Il aimait à se créer des difficultés d’exécution, telles que rimes redoublées, refrains ou triolets. Ses petits-enfants ont conservé le seul ouvrage complet qu’ait produit sa muse fantasque : c’est un poème intitulé les Chats, et dans lequel les vertus de cet animal domestique sont célébrées avec une grâce et des frais d’imagination qu’on regrette de voir dépensés pour un sujet si frivole. Le premier chant est à trois rimes seulement ; malgré les entraves de cette espèce de gageure, les vers ne contiennent pas de chevilles, et le naturel n’y est point sacrifié. Les chants qui suivent sont consacrés au chat de la Nature, à celui de la Fable et à celui de l’Histoire. Lorsqu’il eut copié de sa main tout ce poème sur parchemin, M. Desherbiers crut avoir assez fait pour assurer la durée de son œuvre et ne songea point à la livrer aux imprimeurs ; mais il employa dix ans de sa vie à en faire un second exemplaire bien plus curieux. Il ajouta au texte tant de notes que le petit volume sur parchemin finit par engendrer un in-folio de six cents pages, qui devint avec le temps un travail d’érudition, puis il le relia lui même, et il composa ainsi un monument de patience, de savoir et de fantaisie. M. Sainte-Beuve, qui possède mieux que personne le talent de définir par des images, ayant trouvé, un jour, ce gros volume sur la table d’Alfred de Musset, dit, après en avoir lu quelques pages : « La science et l’imagination de votre grand-père sont