Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lez-vous ! j’ai perdu d’un côté, mais j’ai gagné de l’autre. — Tu ne manges pas, Sarah ?

Sarah.

Non ; je ne mange pas avec des couverts d’étain.

Rachel.

Oh ! c’est donc depuis que j’ai acheté une douzaine de couverts d’argent avec mes économies, que tu ne peux plus toucher à de l’étain ? Si je deviens plus riche, il te faudra bientôt un domestique derrière ta chaise et un autre devant.

Montrant sa fourchette.

Je ne chasserai jamais ces vieux couverts-là, de notre maison. Ils nous ont trop longtemps servi. N’est-ce pas, maman ?

La mère, la bouche pleine.

Est-elle enfant !

Rachel, s’adressant à moi.

Figurez-vous que, lorsque je jouais au théâtre Molière, je n’avais que deux paires de bas, et que tous les matins…

Ici la sœur Sarah se met à baragouiner de l’allemand pour empêcher sa sœur de continuer.

Rachel, continuant.

Pas d’allemand ici ! — Il n’y a pas de honte. — Je n’avais donc que deux paires de bas, et, pour jouer le soir, j’étais obligée d’en laver une paire tous les matins. Elle était dans ma chambre, à cheval sur une ficelle, tandis que je portais l’autre.