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Il savait bien quel sceptre il tenait à la main !
Et vous ne voulez pas, César…

Auguste.

Et vous ne voulez pas, César…Je le répète,
Malgré vous, mon ami, vous n’êtes qu’un poète.
Lorsqu’Horace avec vous parle grec ou latin,
Votre esprit est en fleur comme votre jardin.
Les premiers des héros, Alexandre et mon père,
Ont tous deux, je le sais, aimé les vers d’Homère ;
Mais, lorsque leur grande âme y prit quelque plaisir,
C’est entre deux combats qu’ils trouvaient ce loisir.
Quand mon père lui-même a raconté ses guerres,
C’est au milieu des camps qu’il fit ses Commentaires.
Pour peu qu’on soit soldat, on sent, quand on les lit,
Que le bruit des clairons partout y retentit.
Autre chose, Mécène, est la frivole muse
Dont la grâce vous charme ou l’esprit vous amuse ;
Ce n’est qu’un jeu de mots fait pour l’oisiveté,
Un rêve, et, pour tout dire, une inutilité.

Mécène.

Que dites-vous, seigneur ? Quoi ! la muse inutile !
Ce n’est qu’un jeu de mots, lorsque chante Virgile,
Tibulle aimé de tous, Horace aimé des dieux !
Quoi la muse à ce point est déchue à vos yeux !
Inutile ! Et ses sœurs, César, qu’en diraient-elles ?
Songez-y bien, seigneur, ces vierges immortelles
Se tiennent par la main dans le sacré vallon,
Et comme une guirlande entourent Apollon.