m’explique difficilement la sentence de M. Fétis : « Il (Beffroy de Reigny) faisait les paroles et la musique de ses pièces, mais il n’avait guère plus de talent dans un genre que dans l’autre. » La Biographie Didot constate que quatre cents représentations n’épuisèrent pas le succès de Nicodème dans la lune, et M. Fétis lui-même dit que cette pièce « fit courir tout Paris aux boulevards pendant plus d’une année. » Il est vrai que, de ses deux opinions contradictoires, M. Fétis exprime l’une à l’article Beffroy, et l’autre à l’article Leblanc[1].
Tout le monde sait que l’auteur d’Émile est aussi l’auteur de l’air : Je l’ai planté, je l’ai vu naître ; on sait moins communément que la romance : Du serin qui te fait envie, appartient à Dorat, pour la musique comme pour les paroles.
L’auteur de Victor ou l’enfant de la forêt, de Célina ou l’enfant du mystère, de Paul, d’Alexis, des Petits orphelins du hameau, et de tant d’autres romans aujourd’hui dédaignés, après avoir joui d’une vogue égale à celle de Pigault-Lebrun, mais dans un genre tout différent, Ducray-Duminil était chansonnier aussi joyeux que romancier sentimental. L’air de la Marmotte en vie : Je quittai la montagne, celui de la Croisée, la ronde À la fête du hameau, ah ! comme c’est beau ! Ce mouchoir, belle Raymonde, ont survécu et survivront longtemps aux compositions romanesques qui ont fait la fortune et la réputation de l’auteur.
Ducray-Duminil eut un bien beau jour dans sa vie d’amateur de musique : ce fut celui de la première représentation d’Une folie. Méhul, le grand Méhul, avait fait à Ducray l’honneur de lui prendre une de ses inspirations ! La chanson paysanne, Eh ! you piou piou, comme il attrape ça ! que chante au premier acte Jacquinet-la-Treille, est une ronde de Ducray-Duminil ; elle était gravée avec accompagnement de guitare, sous le nom de Ducray. Ainsi tout Paris, toute la France fut témoin de l’événement : l’auteur d’Euphrosine empruntant une mélodie à l’auteur de Lolotte et Fanfan ! quel hommage flatteur ! quelle gloire !
- ↑ M. Fétis attribue la musique de Nicodème tantôt à Beffroy (et alors elle est mauvaise), tantôt à Leblanc (et alors elle est bonne).