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FRÉDÉRIC DELIUS

aussi subtil que sûr un jardin sans ombrages sous la chaleur au milieu d’un jour d’été. On perçoit distinctivement le bourdonnement des insectes, le carillon de cloches distantes. L’air est alourdi par le parfum des fleurs. Un court épisode de ciel assombri vient un instant troubler le calme répandu ; mais, les nuages menaçants se dissipent peu à peu et dès que descend l’ombre du soir la tranquillité ordinaire reparaît sur la scène. Ce paysage est peint avec l’art sobre et délicat d’un Corot. Toutefois, là s’arrête l’intérêt et une pointe d’élément humain aurait renforcé la peinture. Le jardin de Delius est, sans conteste, plein d’agrément ; mais, il aurait eu un attrait plus grand s’il eût abrité Adam et Ève.

Comme les compositeurs les plus modernes Delius est plus à l’aise avec l’orchestre qu’avec la voix humaine que, dans plusieurs de ses œuvres, il s’est montré enclin à traiter d’une manière trop instrumentale. Ses opéras jusqu’à ce jour ont peu réussi. Koanga, le plus considérable, est un tableau coloré de la vie nègre dans les plantations de la Louisiane à la fin du dix-huitième siècle. Le séjour de Delius en Floride pendant sa jeunesse avait laissé une impression profonde sur son imagination. Le charme du climat tropical, la nature luxuriante de cette contrée, la vie simple et primitive des nègres au milieu desquels il a vécu se retrouvent à chaque scène. Le prologue de Koanga nous montre un groupe de jeunes créoles, filles de riches planteurs de la Louisiane, qui se récréent en chantant et dansant un soir de printemps. Après