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FRÉDÉRIC DELIUS

ciel éclairci. Dans le romantisme intense de cette première composition on retrouve la trace de la forte concentration d’esprit de la race du nord si différente de l’indolence de caractère des habitants du sud de l’Angleterre.

Durant son séjour en Floride, Delius avait été soumis à des influences différentes de celles du pays d’York à un plus haut degré qu’on ne peut imaginer. Le climat énervant, la végétation exubérante du tropique et le charme étrange de cette primitive civilisation nègre qui l’entourait son traduits en entier par la musique de l’opéra américain Koanga. L’Amérique lui a inspiré aussi son Apalachie, série intéressante de variations pour chœurs et orchestre sur une vieille mélodie indienne et qui est un de ses ouvrages les plus remarquables par l’originalité. Delius nous transporte en dehors de la civilisation moderne pour nous introduire dans un monde plus âgé et demeuré primitif. Dans sa musique on croit entendre les milliers de voix du chœur sublime chanté par les forêts vierges et les eaux majestueuses du Mississipi. Sous sa touche magique il fait revivre, comme dans un décor, l’Amérique au temps préhistorique et loin avant qu’un pied européen ait foulé ses rives. Les forêts aux ombres épaisses semblent peuplées d’une race d’origine sombre et mystérieuse et la suggestion de divinités inconnues aux rites secrets et sans noms nous étreint. Cette prosopopée musicale qui fait éprouver parfois une sensation d’horreur et de crainte indéfinissable est certainement l’une des œuvres les plus imaginati-