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FRÉDÉRIC DELIUS

humaine. Delius ne contemple pas le monde avec cette « innocence des yeux » qui était l’attrait de l’impressionnisme à ses débuts, mais sous le jour de son propre tempérament, et l’alliance des éléments pittoresque et psychologique est ce qui donne à sa musique sa qualité caractéristique.

Il faut reconnaître qu’il est un maître de l’orchestre. Le sens raffiné du coloris musical que d’autres compositeurs n’ont pu acquérir que par un labeur incessant est chez lui un don naturel. On ne sent jamais dans ses œuvres l’effort pour obtenir tout l’éclat d’un effet. Il possède sa palette et n’en est pas esclave. Sa puissance de couleur dédaigne de faire valoir une inspiration banale. Pour lui le coloris orchestral est un moyen de l’expression, non le but même, et c’est surtout à cette complète maîtrise des ressources de son art que Delius doit la rare aisance et la distinction de son style.

Il était naturel qu’un musicien d’une sensibilité si vive à la suggestion extérieure fût profondément impressionné par les scènes variées au milieu desquelles il vivait. Sa première composition Over the hills lui a été évidemment inspirée par l’aspect romantique de son pays natal. Il déploie dans cette fantaisie tout son talent de description. Il retrace le majestueux dessin des chaînes de collines du comté d’York et les vastes étendues des landes désertes qui donnent au paysage un caractère si particulier dans cette région de l’Angleterre. Sa musique décrit la sensation de l’air vif et frais du nord dont le souffle âpre tient le