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ETHEL SMYTH

l’esquisse du drame. Mais, la réelle valeur de l’œuvre réside dans le cadre si poétique et imaginatif, de dimension grandiose, dans lequel se déroule une action rapide. Derrière la misérable passion humaine apparaît la solitude imposante de la forêt, la pure nature dans le sein de laquelle toute créature terrestre égrène la brièveté de son existence avant de tomber dans l’éternel oubli. La Forêt est elle-même le protagoniste du drame lyrique chanté par miss Smyth, comme la cathédrale est l’acteur héroïque de Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo[1], ou, pour prendre un exemple dans notre littérature nationale, comme la Tamise est l’âme du roman de Charles Dickens[2] Our mutual friend, l’Ami commun.

L’amour humain qui repose au fond de l’action semble être absorbé par l’étreinte puissante de la forêt demeurée vierge, et la cause déterminante de ce drame sanglant en face de la nature verte est apprêtée par la scène du prologue. Du réduit sombre et profond d’un bois sacré, au cœur de la grande solitude, séjour de faunes et de satyres, de dryades et de nymphes, se font entendre des accents mystérieux dans la demi-clarté crépusculaire qui précède un jour riant. Chaque scène de l’opéra se ressent de cette influence étrange et surnaturelle jusqu’à ce que, enfin, les voix répandues entonnent dans la nuit d’une tristesse calme un chant élégiaque et funèbre pour les amants infortunés réunis par la mort.

  1. Victor Hugo, poète français (1802-1885). Notre-Dame de Paris (1831).
  2. Dickens (Charles), romancier anglais (1812-1870). Our Mutual Friend (1863).