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ETHEL SMYTH

Je me souviens de ma première rencontre avec miss Smyth. Ce fut sur une pelouse fleurie et entretenue avec soin, entourée de grands ormes à l’ombrage magnifique, dans l’un de ces superbes parcs du Kent qui font mériter à ce comté favori de la nature le nom de « jardin de l’Angleterre ». Ethel Smyth, au nom d’un groupe de jeunes filles, avait invité plusieurs jeunes gens du voisinage à une partie de cricket. Mais, afin d’égaliser les chances du jeu, il fut convenu que les jeunes invités dont j’étais ne pourraient se servir que de la main gauche pour lancer ou rejeter la balle, et, au lieu du bat ordinaire, devraient, suivant condition stricte, faire usage d’un simple manche à balai. Armés de cette façon, nous devenions une proie facile pour nos charmantes antagonistes. Ethel Smyth mena sa gracieuse armée à la victoire en déployant la science et l’énergie d’un Napoléon, l’encourageant de la voix et du geste. Elle prouvait ainsi d’une manière précoce qu’elle n’était pas un rival à dédaigner pour le sexe fort en une querelle si bornée que le jeu de cricket, de même qu’elle sut faire reconnaître par la suite sa valeur brillante dans la carrière plus noble de l’art.

Quel que soit le but qu’elle se fût proposé, elle lui vouait toute la force de son tempérament et de son intelligence. Lorsque, plus tard, elle se fut éprise avec ardeur de la cause du suffrage politique de la femme, son enthousiasme et sa conviction la portèrent à des extrémités fâcheuses qu’en compagnie d’un certain nombre de « suffragettes » elle dut expier par plu-