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EDWARD ELGAR

années ont été principalement consacrées à la composition de trois œuvres importantes — deux symphonies et un concerto de violon — dans lesquelles le compositeur a élevé son inspiration à une hauteur plus grande que celle qu’il avait atteinte jusque-là. Ces trois œuvres, aussi étroitement liées par la forme que par le sentiment, sont le produit d’un état continu d’esprit d’Elgar qui, tour à tour allant de l’oratorio à la symphonie, de l’objectif au subjectif, était aiguillonné par la recherche excitante de son expression intime. Dans ces deux symphonies et son concerto de violon il a écrit l’histoire de son âme, le récit de ses luttes, de ses illusions et de ses aspirations, et, on ne peut s’empêcher de constater que ce désir ardent de description de soi-même est venu juste au moment favorable. Combien de compositeurs ont épuisé leurs forces à décrire en musique leur âme avant d’avoir réussi par l’expérience à la description raisonnée d’un sujet plus matériel ? D’autres, pour une attente trop longue, ont laissé pénétrer le maniérisme dans le naturel et étouffer le caractère par la convention. Chez Elgar, le désir se fit jour au moment où son pouvoir d’expression avait acquis sa pleine maturité. Dans les trois ouvrages qui portent si haut sa carrière la manière et le sujet sont si étroitement liés et réagissent l’une sur l’autre si harmoniquement que sa musique peut être regardée comme un exemple parfait du mot célèbre de Buffon : « Le style est l’homme même[1]. »

  1. Discours de réception de Buffon à l’Académie française (25 août 1753).