Page:Musiciens Anglais Contemporains, Streatfield-Pennequin.pdf/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vi
PRÉFACE

exprimé par plusieurs de ses abonnés, Richter avait consenti à faire exécuter une symphonie de Hubert Parry qui, jeune encore, venait d’attirer l’attention du monde musical. Les snobs, nombreux dans l’auditoire, se félicitaient du programme composé presque exclusivement de fragments importants des œuvres de leur favori Wagner pendant que la symphonie de Parry avait été reléguée à dessein au dernier rang. Quel fut le résultat de cette disposition perfide autant que digne de la diplomatie ? Dès que la partie du programme dévolue à Wagner fut achevée et sitôt que Richter fut près d’exécuter la symphonie, l’auditoire, — à l’exception d’un petit nombre de vaillants partisans de la musique nationale anglaise, — se leva avec affectation et quitta la salle du concert. Cet incident resté gravé dans ma mémoire doit être considéré comme le témoignage frappant de l’attitude de la société fashionable de cette époque et du peu d’intérêt que nos dilettantes portaient à l’art anglais. Après une manifestation au caractère hostile si peu douteux, il est étonnant que des compatriotes aient été soutenus par leur ardeur artistique pour se vouer à la composition musicale. À part une demi-douzaine de musiciens les plus en vue, la plupart des compositeurs avaient peu d’espoir de voir produire leurs œuvres, ou si, par hasard, ils parvenaient à l’exécution publique, d être accueillis autrement que par la froide indifférence.

Il n’est pas aisé d’indiquer le moment exact où une attention favorable commença à être témoignée en Angleterre à notre musique nationale. J’incline à croire que cette direction nouvelle du sentiment musical a dû coïncider avec le commencement de ce siècle, sitôt après que les éloges décernés à Edward Elgar par la critique allemande furent devenus l’argument primordial qui encouragea les dilettantes anglais à reconnaître la juste prétention de l’art musical dans notre pays. Quoi qu’il en soit, il est acquis que, de nos jours, la musique anglaise est aussi sûre d’un accueil bienveillant dans nos concerts que la certitude contraire existait il y a trente ans ; en sorte que le péril se retrouve aujourd hui avec une égale force du côté des snobs qui, — se plaisant toujours à exagérer leurs émotions, — sont tout disposés à s attribuer