Page:Musée des Familles, vol.32.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
musée des familles.

larmes roulaient jusqu’à terre, et la neige fondait à leur brûlant contact.

Kernan, agenouillé de même, priait aussi, mais il observait et surveillait les environs.

Pauvre comte de Chanteleine ! Il eût voulu de ses mains écarter cette terre qui lui cachait son enfant, revoir une dernière fois ses traits chéris et donner une tombe plus décente à ses restes inanimés ! Ses mains se plongeaient dans la neige, et des soupirs à lui briser le cœur s’échappaient de sa poitrine.

Depuis un quart d’heure il était ainsi ; Kernan n’osait interrompre sa douleur. Mais il craignait que les sanglots du comte ne fussent surpris par quelque espion aux aguets.

En ce moment, il crut entendre des pas ; il se retourna avec inquiétude ; il vit distinctement cette fois une forme humaine quitter le massif de cyprès et se diriger vers la fosse.

— Ah ! fit le Breton, si c’est un espion, il le payera cher !

Le cimetière. Dessin de A. de Bar.

Et, son couteau à la main, il se précipita vers un inconnu, qui ne parut pas vouloir l’éviter ; au contraire, celui-ci semblait attendre son agresseur de pied ferme. Bientôt ces deux hommes furent à trois pas l’un de l’autre, dans l’attitude de la défense.

— Que venez-vous faire là ? demanda rudement le Breton.

L’inconnu, un jeune homme de trente ans, vêtu d’un costume de paysan, répondit d’une voix émue :

— Ce que vous êtes venu faire vous-même !

— Prier ?

— Prier !

— Ah ! dit Kernan, vous avez des parents ?…

— Oui ! répondit le jeune homme d’une voix triste.

Le Breton le regarda attentivement et vit des pleurs dans ses yeux.

— Excusez-moi, dit-il, je vous avais pris pour un espion. Venez donc.

Et suivi de l’inconnu, il revint près du comte ; celui-ci, tiré de sa torpeur, allait se lever, quand le jeune homme lui fit signe de ne pas se déranger.

— Vous venez prier, monsieur ? dit le comte. Il y a