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SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

y eut une vingtaine de personnes, Schaunard demanda s’il n’y aurait pas une tournée de quelque chose.

— Tout à l’heure, dit Marcel ; nous attendons l’arrivée du critique influent pour allumer le punch.

À huit heures, tous les invités étaient au complet, et l’on commença à exécuter le programme. Chaque divertissement était alterné d’une tournée de quelque chose ; on n’a jamais su quoi.

Vers les dix heures on vit apparaître le gilet blanc du critique influent ; il ne resta qu’une heure et fut très-sobre dans sa consommation.

Sur le minuit, comme il n’y avait plus de bois et qu’il faisait très-froid, les invités qui étaient assis tiraient au sort à qui jetterait sa chaise au feu.

À une heure tout le monde était debout.

Une aimable gaieté ne cessa point de régner parmi les invités. On n’eut aucun accident à regretter, sinon un accroc fait à la poche aux langues étrangères de l’habit de Colline, et un soufflet que Schaunard appliqua à la fille du chancelier de Cromwell.

Cette mémorable soirée fut pendant huit jours l’objet de la chronique du quartier ; et Phémie Teinturière, qui avait été reine de la fête, avait l’habitude de dire en en parlant à ses amies :

— C’était fièrement beau ; il y avait de la bougie, ma chère.



VI

MADEMOISELLE MUSETTE


Mademoiselle Musette était une jolie fille de vingt ans, qui, peu de temps après son arrivée à Paris, était devenue ce que deviennent les jolies filles quand elles ont la taille fine, beaucoup de coquetterie, un peu d’ambition et guère d’orthographe. Après avoir fait longtemps la joie des soupers du quartier Latin, où elle chantait d’une voix toujours