carte, ajouta-t-il en donnant un bout de papier sur lequel il avait indiqué son menu. Sortez.
— Messieurs, reprit Marcel aux trois jeunes gens, vous m’avez offert à souper hier soir, permettez-moi de vous offrir à déjeuner ce matin, non pas chez moi, mais chez nous, ajouta-t-il en tendant la main à Schaunard.
À la fin du déjeuner, Rodolphe demanda la parole.
— Messieurs, dit-il, permettez-moi de vous quitter…
— Oh ! non, dit sentimentalement Schaunard, ne nous quittons jamais.
— C’est vrai, on est très-bien ici, ajouta Colline.
— De vous quitter un moment, continua Rodolphe ; c’est demain que paraît l’Écharpe d’Iris, un journal de modes dont je suis le rédacteur en chef ; et il faut que j’aille corriger mes épreuves, je reviens dans une heure.
— Diable ! dit Colline, ça me fait penser que j’ai une leçon à donner à un prince indien qui est venu à Paris pour apprendre l’arabe.
— Vous irez demain, dit Marcel.
— Oh ! non, répondit le philosophe, le prince doit me payer aujourd’hui. Et puis je vous avouerai que cette belle journée serait gâtée pour moi, si je n’allais pas faire un petit tour à la halle aux bouquins.
— Mais tu reviendras ? demanda Schaunard.
— Avec la rapidité d’une flèche lancée d’une main sûre, répondit le philosophe, qui aimait les images excentriques.
Et il sortit avec Rodolphe.
— Au fait, dit Schaunard resté seul avec Marcel, au lieu de me dorloter sur l’oreiller du far niente, si j’allais chercher quelque or pour apaiser la cupidité de M. Bernard ?
— Mais, dit Marcel avec inquiétude, vous comptez donc toujours déménager ?
— Dame ! reprit Schaunard, il le faut bien, puisque j’ai congé par huissier, coût cinq francs.
— Mais, continua Marcel, si vous déménagez, est-ce que vous emporterez vos meubles ?
— J’en ai la prétention ; je ne laisserai pas un cheveu comme dit M. Bernard.
— Diable ! ça va me gêner, fit Marcel, moi qui ai loué votre chambre en garni.