Page:Murger - Scènes de la vie de bohème, Lévy, 1871.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

son maître : si la sol, fa mi ré. Ah ! gredin de  ! tu seras toujours le même, va ! Je disais bien que c’était mon instrument.

— Il insiste, dit Colline à Rodolphe.

— Il insiste, répéta Rodolphe à Marcel.

— Et ça donc, ajouta Schaunard en montrant le jupon semé d’étoiles, qui était jeté sur une chaise, ce n’est pas mon ornement, peut-être ! ah !

Et il regardait Marcel sous le nez.

— Et ça, continua-t-il, en détachant du mur le congé par huissier dont il a été parlé plus haut.

Et il se mit à lire :

— « En conséquence, M. Schaunard sera tenu de vider les lieux et de les rendre en bon état de réparations locatives, le huit avril avant midi. Et je lui ai signifié le présent acte, dont le coût est de cinq francs. » Ah ! ah ! Ce n’est donc pas moi qui suis M. Schaunard, à qui on donne congé par huissier, les honneurs du timbre, dont le coût est de cinq francs ? Et ça encore, continua-t-il en reconnaissant ses pantoufles dans les pieds de Marcel, ce ne sont donc pas mes babouches, présent d’une main chère ? À votre tour, Monsieur, dit-il à Marcel, expliquez votre présence dans mes lares.

— Messieurs, répondit Marcel en s’adressant particulièrement à Colline et à Rodolphe, Monsieur, et il désignait Schaunard, Monsieur est chez lui, je le confesse.

— Ah ! exclama Schaunard, c’est heureux.

— Mais, continua Marcel, moi aussi, je suis chez moi.

— Cependant, Monsieur, interrompit Rodolphe, si notre ami reconnaît…

— Oui, continua Colline, si notre ami…

— Et si de votre côté vous vous souvenez que… ajouta Rodolphe, comment se fait-il…

— Oui, reprit Colline, écho, comment il se fait !…

— Veuillez vous asseoir, Messieurs, répliqua Marcel, je vais vous expliquer le mystère.

— Si nous arrosions l’explication ? hasarda Colline.

— En cassant une croûte, ajouta Rodolphe.

Les quatre jeunes gens se mirent à table et donnèrent l’assaut à un morceau de veau froid que leur avait cédé le marchand de vin.