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LA JEUNESSE N’A QU’UN TEMPS.

— Attendez-moi un instant, dit l’interne quand ils furent à la porte de l’hôpital, je vais demander au directeur une permission pour vous faire entrer.

Rodolphe attendit un quart d’heure sous le vestibule. Quand l’interne revint vers lui, il lui prit la main et ne lui dit que ces mots :

— Mon ami, supposez que la lettre que je vous ai écrite, il y a huit jours, était vraie.

— Quoi ! dit Rodolphe en s’appuyant sur une borne, Mimi…

— Ce matin, à quatre heures.

— Menez-moi à l’amphithéâtre, dit Rodolphe, que je la voie.

— Elle n’y est plus, dit l’interne. En montrant au poëte un grand fourgon qui se trouvait dans la cour, arrêté devant un pavillon, au-dessus duquel on lisait : Amphithéâtre, il ajouta : Elle est là.

C’était, en effet, la voiture dans laquelle on transporte dans la fosse commune les cadavres qui n’ont pas été réclamés.

— Adieu, dit Rodolphe à l’interne.

— Voulez-vous que je vous accompagne ? proposa celui-ci.

— Non, fit Rodolphe en s’en allant. J’ai besoin d’être seul.



XXIII

LA JEUNESSE N’A QU’UN TEMPS.


Un an après la mort de Mimi, Rodolphe et Marcel, qui ne s’étaient pas quittés, inauguraient par une fête leur entrée dans le monde officiel. Marcel, qui avait enfin pénétré au salon, y avait exposé deux tableaux, dont l’un avait été acheté