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SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

— C’est étrange, fit Rodolphe, je ne sens rien là. Est-ce que mon amour était mort en apprenant que Mimi devait mourir ?

— Qui sait ! murmura le peintre.

La mort de Mimi causa un grand deuil dans le cénacle de la Bohème.

Huit jours après, Rodolphe rencontra dans la rue l’interne qui lui avait annoncé la mort de sa maîtresse.

— Ah ! mon cher Rodolphe, dit celui-ci en courant au devant du poëte, pardonnez-moi le mal que je vous ai fait avec mon étourderie.

— Que voulez-vous dire ? fit Rodolphe étonné.

— Comment, répliqua l’interne, vous ne savez pas, vous ne l’avez pas revue !

— Qui ? s’écria Rodolphe.

— Elle, Mimi.

— Quoi, dit le poëte qui devint tout pâle.

— Je m’étais trompé. Quand je vous ai écrit cette affreuse nouvelle, j’avais été victime d’une erreur ; et voici comment. J’étais resté absent de l’hôpital pendant deux jours. Quand j’y suis revenu, en suivant la visite, j’ai trouvé le lit de votre femme vide. J’ai demandé à la sœur où était la malade ; elle m’a répondu qu’elle était morte dans la nuit. Voici ce qui était arrivé. Pendant mon absence, Mimi avait été changée de salle et de lit. Au no 8 qu’elle avait quitté, on avait mis une autre femme qui mourut le même jour. C’est ce qui vous explique l’erreur dans laquelle je suis tombé. Le lendemain du jour où je vous ai écrit, j’ai retrouvé Mimi dans une salle voisine. Votre absence l’avait mise dans un état horrible ; elle m’a donné une lettre pour vous. Je l’ai portée à votre hôtel à l’instant même.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Rodolphe, depuis que j’ai cru que Mimi était morte, je ne suis pas rentré chez moi. J’ai couché à droite et à gauche chez mes amis. Mimi est vivante ! Ô mon Dieu ! que doit-elle penser de mon absence ! Pauvre fille ! pauvre fille ! comment est-elle ? quand l’avez-vous vue ?

— Avant-hier matin, elle n’allait ni mieux ni plus mal ; elle est très-inquiète et vous croit malade.

— Conduisez-moi sur-le-champ à la Pitié, dit Rodolphe, que je la voie.